La civilisation indienne possède un système social très complexe. L’Occident y voit une inégalité flagrante puisque la hiérarchie des castes conduit à l’exclusion d’une catégorie appelée « les intouchables ».
Mais, quelle est l’origine historique de cette catégorie ? Qui sont les intouchables ?
Les castes en Inde
Qu’est-ce qu’une caste ? On dira simplement qu’une caste est un groupe dont les membres possèdent, du fait de leur naissance, des caractéristiques et des obligations communes.
Le fait fondamental est donc l’hérédité de l’appartenance à la caste. Excepté, les femmes à travers le mariage (une femme peut devenir Brahmane en se mariant et garder son rang après un divorce), aucun individu ne peut passer d’une caste à une autre, du moins au cours de sa vie terrestre.
La hiérarchie entre castes est stricte. Dans l’ordre croissant de la dignité viennent quatre grandes catégories :
Shudra
Vaishya
Kshatriya
Brahmanes
Chaque catégorie impose à ses membres des obligations et des interdictions : mariage à l’intérieur de la caste (endogamie) ; règles alimentaires (végétarisme pour les brahmanes) ; signes vestimentaires ou maquillage particulier.
Chaque catégorie est éclatée en des dizaines, voire des centaines de sous-castes ou de variétés régionales.
Les Intouchables et le système des castes
« Intouchable » désigne, par définition, celui qu’on ne peut pas toucher, c’est-à-dire celui qui est si indigne et si impur qu’il risque de souiller autrui par la vue ou par le contact physique.
Tous les intouchables sont l’objet de sanctions dégradantes. Ils doivent vivre à l’écart des villages. Ils ne peuvent posséder d’autres biens que des animaux domestiques. Ils ne peuvent porter que les vêtements pris sur des cadavres.
Circuler la nuit en ville leur est strictement interdit. Ils sont exclus des puits du village, car ils pourraient corrompre l’eau.
Ils ne peuvent pas partager le repas avec d’autres castes, ni servir à manger ou la préparer.
Aux intouchables, on réserve les tâches les plus difficiles ou les plus dégradantes ou celles qui frappent d’impureté : cordonnier, fossoyeur, tanneur, vidangeur…
Les quatre principales castes ont-elles aussi leurs fonctions spécifiques et exclusives.
Quand le système des castes est-il né ?
Les sources sanskrites antiques décrivent des principes un peu semblables ; notamment les Lois de Manou, au début de l’ère chrétienne se font l’écho de textes anciens qui présentent ainsi l’origine mythique du monde :
Les dieux immolent un immense corps cosmique, bâti à l’image du corps humain, et le démembrent.
De la bouche, naissent les brahmanes, l’ordre spirituellement le plus élevé, qui seul accès à la connaissance métaphysique, à la compréhension des rituels et des textes sacrés.
Des bras sont issus les kshatriya, les guerriers et les princes.
Des cuisses surgissent les vaishya qui sont paysans, artisans ou commerçants.
Les pieds engendrent les shudra, le plus bas des rangs sociaux, celui des domestiques et des serviteurs.
Il s’agit donc bien d’une création d’une hiérarchie sociale fondée sur les fonctions remplies par chaque catégorie.
On y retrouve d’ailleurs la hiérarchie indo-européenne où sont nettement séparés prêtres, guerriers et producteurs.
La civilisation indienne s’est formée à partir de l’invasion, vers 1 500-1000 avant notre ère, des plaines de l’Indus et du Gange par des peuples de souche indo-européenne venus des plateaux iraniens.
Le peuplement originel du sous-continent indien, appelé dravidien, connaît alors une civilisation avancée.
Mais, les Dravidiens sont vaincus et soumis par l’envahisseur. Ils forment alors le quatrième rang social, à fonction domestique, tandis que les envahisseurs s’organisent de manière tripartite.
Cependant, une fraction de la population dravidienne refuse de se soumettre. Elle est alors considérée comme dangereuse et répugnante. Elle forme peu à peu, bien malgré elle, le cinquième groupe dont descendent les intouchables.
La religion instigatrice des castes
L’hypothèse d’une invasion brutale qui aurait exclu la population locale est peu probable. Bien sûr, les vainqueurs ont imposé leurs conditions, mais il y a eu un mélange des deux cultures et des deux populations.
La création des castes paraît avoir été surtout de nature religieuse.
Les valeurs de l’hindouisme propagées par les brahmanes font que la naissance d’un individu dans une caste n’est jamais le fait du hasard. Elle résulte de l’harmonie de l’ordre cosmique et de la dignité de ses vies antérieures.
Naître intouchable n’est donc plus scandaleux ou inacceptable puisque c’est conforme à l’ordre naturel.
Si on accepte cet ordre et que l’on accomplit les rites adaptés à son rang social, on peut espérer se réincarner à un niveau supérieur.
On ne sait pas à quelle date exacte ces valeurs brahmaniques se sont généralisées en Inde.
Les Intouchables aujourd'hui
L’Inde moderne ne reconnaît pas constitutionnellement l’existence des castes. Pourtant, elles continuent à imprégner les mentalités et les comportements.
La constitution de 1950 a remplacé le terme « Intouchable » par « harijan » c’est-à-dire peuple de Dieu.
Malgré tout, l’exclusion dont les anciens intouchables demeurent l’objet est visible dans le domaine économique.
Ils constituent les classes les plus pauvres : ouvriers agricoles sans terre, manœuvres sous-payées, chômeurs non assistés…
Plusieurs révoltes ont éclaté depuis l’indépendance comme celle du Bengale en 1967. Ces révoltes ont été très sévèrement réprimées par l’armée constituée en majorité de kshatriya.
La contestation de ce statut humiliant a pris récemment des formes religieuses avec des conversions massives au bouddhisme et à l’islam en pays tamoul.
C’est donc la stabilité sociale de l’Inde tout autant que la prédominance de la religion hindouiste qui sont actuellement en passe d’être renversées.
En 1947, Nehru, nomme Bhimrao Ramji Ambedkar, né "intouchable", ministre de la justice
En 1995, une intouchable Mayavati a été élue à la tête d’un État, l’Uttar Pradesh.
En juillet 1997, Kocheril Raman Narayanan, issu de la caste des intouchables, a été élu à 75 ans président. Ce poste est honorifique, mais cette élection a représenté un symbole très puissant dans un pays où la question des rapports entre castes n’a jamais été réglée de façon satisfaisante.